Céphalées de tension : un traitement réussi.

Céphalée de tension : un traitement réussi.

Stress et déshydratation des voies aériennes supérieures pourraient expliquer certaines céphalées de tension : un espoir pour ceux qui en souffrent.

Réflexions sur les céphalées de tension

Dans mon livre « Maux de tête chroniques Comment les soigner », j’avais écrit un court chapitre sur les céphalées de tension. J’en décrivais les symptômes, je soulignais surtout leur mode d’apparition, enfin je remarquais que les personnes touchées par cette affection avaient souvent une histoire douloureuse particulière. (Marie-Paule Lagrange, Maux de tête chroniques, Ed. Ellébore, 2004, pages 156 & 157).

Par contre je ne m’attardais pas sur le mécanisme physiologique pouvant expliquer cette douleur. Dans la céphalée de tension la douleur apparaît dès le matin puis s’accroît dans la journée pour ne quitter le patient qu’au moment de l’endormissement.

Cette céphalée apparaît un beau jour, que le patient peut souvent dater, il se souvient exactement des circonstances qui ont entouré l’apparition des symptômes, c’était lors d’un évènement marquant, un anniversaire, un retour de vacances, un mariage, la réussite à un examen ou toute autre circonstance marquante dans la vie d’une personne. Le mal s’installe ce jour là et ne va plus quitter le patient pendant des mois voire des années. Le patient a mal tous les jours.

La céphalée est en étau, c’est-à-dire qu’elle serre la tête en certains points et finit parfois par prendre toute la tête. Le malade signale souvent « la barre au front », ou « un mal en haut du crâne » (mal en calotte) ou « mal au sommet du crâne jusque derrière la tête ». On retrouve assez souvent des plaintes de fourmillements dans la tête et souvent des sensations de brûlure sous le cuir chevelu. Enfin le patient évoque souvent les cervicales comme source possible de de ses maux de tête et il se plaint aussi d’avoir mal dans la région des cervicales.

On trouve souvent dans l’histoire du patient, des maux de tête sporadiques qui font penser que le patient a peut-être souffert, dans son enfance ou sa jeunesse, de migraines discrètes ne nécessitant pas d’autre médicament que l’aspirine ou le paracétamol. Mais les maux de tête aujourd’hui sont suffisamment différents de ceux de la migraine pour que le malade dise que cela n’a rien à voir

En fait on retrouve comme point commun avec la migraine la localisation du mal

Le patient a mal aux tempes, dans la zone orbitaire et derrière la tête. Par contre la douleur ne survient pas par crises de 2 ou trois jours comme dans la migraine, mais elle s’installe durablement et c’est une douleur non stop. Enfin la douleur ne tape pas et ne procure pas de sensations bizarres comme dans la migraine. Elle est au contraire sourde et continue, l’intensité peut varier au cours de la journée mais la douleur est là tous les jours. Les médicaments n’apportent en général aucun soulagement.

Les douleurs de la céphalée de tension sont généralement moins violentes que celles de la migraine et autorisent celui ou celle qui en souffre à vaquer à ses occupations.

Mais à la longue, elles peuvent devenir insupportables. Et nous connaissons un certain nombre de personnes qui sont en arrêt de travail temporaire ou en invalidité en raison de céphalées de tension. Dans la description des circonstances d’apparition on devine volontiers que les évènements de la vie du patient connus ou oubliés jouent un rôle dans l’apparition de ces céphalées.

C’est psychosomatique dira-t-on. Mais lorsque l’on a dit cela, on n’a pas expliqué comment la douleur psychique se transforme en douleur physique.

Il me faut pour cela vous raconter l’histoire de l’un de mes patients Hervé.

Hervé prend rendez-vous pour des céphalées dont il souffre depuis de longues années et dont il n’arrive pas à se débarrasser.

Il a souvent été au bord de la dépression en raison de ces douleurs mais ce n’est pas quelqu’un de dépressif, juste stressé et anxieux. Fils et petit fils de petits agriculteurs, il n’a jamais souhaité reprendre la ferme derrière ses parents mais comme il travaillait bien à l’école, sur la suggestion de ses maîtres il s’est orienté dans une filière longue et a fait des études supérieures de Biologie à l’Université.

Après un DEA de chimie, il est entré dans une entreprise de traitement des eaux où il a accompli toute sa carrière. Lorsque je lui demande depuis combien de temps il souffre de céphalées il me répond : « depuis 32 ans » or il a 52 ans. Les céphalées de tension ont donc débuté durant sa vie universitaire.

Il souffre tellement de ces maux de tête et il en a tellement souffert qu'il me dit : ``Ma vie, je ne voudrais pas la revivre

Je prends note de tout ce qu’il me dit, ses symptômes sont effectivement ceux de la céphalée de tension mais comme je suis psychologue, je n’aime pas me précipiter sur les causes psychologiques du mal et j’essaie toujours de ne pas passer à côté d’une maladie relevant de la médecine et qui pourrait expliquer les maux de tête.
Tout en écoutant ce qu’il me dit, je m’aperçois qu’il parle légèrement du nez et je lui demande s’il n’est pas enrhumé. Il me répond qu’il l’est toujours un peu. Ne pensant pas du tout que ce rhume puisse être la cause de ces céphalées car pour les maux de tête on pense plutôt à la sinusite, je lui propose d’aller consulter un spécialiste ORL (oto-rhino-laryngologiste: oreille nez gorge) que je connais bien en me disant que si ce médecin peut guérir son rhume chronique ce sera toujours cela de pris.

Trois jours plus tard, Hervé me téléphone et, de but en blanc, il me dit:
«Madame Lagrange, comment vous faites?»
Je reste interloquée et je lui réponds: «Pourquoi me posez-vous cette question?»
Réponse de l’intéressé:
«Et bien parce que je n’ai plus mal»
«Comment? Vous n’avez plus mal du tout? Ce n’est pas possible. Vous avez mal depuis 32 ans!»
«Oui mais là je n’ai plus mal du tout. Je vous assure que c’est vrai et je voulais savoir comment vous avez fait pour faire le diagnostic.»

Je lui explique alors que le métier de psychologue que j’ai pratiqué depuis de longues années et dans divers domaines est certes un métier d’écoute mais que la grande spécialité des psychologues, peu connue du grand public, est de faire l’analyse et la synthèse de ce que l’on vous dit et que ces deux activités mentales nécessitent de prendre en compte tous les facteurs, sans a priori, même ceux qui n’ont apparemment rien à voir avec la raison annoncée de la démarche.
Je lui dis que je n’avais pas de diagnostic avant de l’adresser à l’ORL et je lui demande comment le Dr O. s’y est pris pour le soulager aussi rapidement.

Il me répond que le médecin a diagnostiqué un syndrome de déshydratation (DSH) des voies aériennes supérieures.

Le Docteur O. est ORL. Praticien hospitalier il exerce dans un hôpital d’enfants. Comme on le devine, il ne peut pas faire parler les enfants de la même manière que les adultes et pour établir ses diagnostics il n’a que ses yeux pour travailler. Alors avec les adultes qu’il reçoit à son cabinet, le Dr O. fait comme avec les enfants : il pose peu de questions et il regarde.

Il regarde avec tout un tas d’instruments la bouche, la langue, la gorge, le nez, les oreilles. Et ce qu’il voit avec sa caméra il le transmet à un écran lumineux et il vous montre que votre langue est blanche (chargée), que votre gorge est très rouge, que votre nez est légèrement encombré.

Tous ces symptômes sont, selon lui, le signe d’une déshydratation des voies aériennes supérieures. Ensuite, il vous explique que cette déshydratation est peut-être la cause de vos douleurs de la tête car explique-t-il, les sinus sont aérés par les fosses nasales et si les espaces de communication entre nez et sinus sont congestionnés ils ne fonctionnent pas bien et l’air ne passe pas bien.

La modification de cette aération crée une surpression sinusienne douloureuse par sensibilisation des branches du nerf trijumeau. Il s’ensuit une symptomatologie douloureuse principalement faciale . On pourrait presque parler de sinusite pressionnelle ou « sèche », à ne pas confondre avec la sinusite aigue qui fait souffrir par l’ inflammation réactionnelle de la muqueuse sinusienne et de sa surinfection, elle est alors fébrile et douloureuse.

Divers facteurs peuvent être à l’origine de cette déshydratation

Nous avons souvent évoqué le stress. Il participe la plupart du temps à cette déshydratation pour une raison que chacun peut vérifier dans sa vie courante : après un bon coup de stress ou après un moment difficile à passer on se retrouve avoir très soif. Le stress déshydrate.

Dans notre pratique nous rencontrons souvent des sujets ayant été soumis non pas à un seul choc mais à une accumulation de stress.

Le stress déshydrate et met en jeu le reflux gastro-oesophagien (RGO) qui produit des remontées acides jusqu’à la gorge ce qui ajoute à la déshydratation. On notera que nos patients souffrant de céphalées de tension se plaignent souvent d’avoir mal au ventre ou à l’estomac.

Pour expliquer la déshydratation des voies aériennes, on doit aussi invoquer d’autres facteurs comme les facteurs anatomiques (déviation de la cloison nasale, polypes..), une hypersensibilité au milieu (pollution, pollens, poussières, humidité, climat..), un choc physique (accident, déménagement, choc opératoire..) ou psychique (anxiété, angoisse, dépression ..).

Alors, cette douleur par surpression des sinus peut donc se guérir puisque ce fut le cas pour Hervé?

N’allons pas si vite. Si Hervé n’avait plus mal au bout de 3 jours c’est que le Docteur O. avait prescrit 5 jours de cortisone (mais pas plus) pour vérifier son diagnostic, tester la capacité du malade à récupérer grâce au traitement et lui donner un réel espoir de guérir.

Le traitement élaboré par le Docteur O. doit être suivi avec rigueur et détermination car il s’agit de réhydrater toutes les muqueuses des voies aériennes (et pas seulement les sinus) déshydratées depuis longtemps : les muqueuses nasales sont desséchées comme une éponge qu’on aurait oubliée sur le bord de la baignoire, la gorge est rouge parce que desséchée. La langue chargée est blanche : le malade a soif.

Les remontées acides dues au reflux oesophagien entretiennent cette déshydratation. Il faut donc boire beaucoup d’eau pour dissoudre l’acidité. Plus la déshydratation est ancienne et plus le traitement sera long avant d’être efficace. Il faut donc s’armer de patience et de confiance.

Le médecin demande à revoir le patient au bout de un mois puis de trois mois. A chaque fois il réexamine les muqueuses, donne le résultat au malade (amélioration ou stagnation) et adapte son traitement au fur et à mesure.

Revenons un instant sur le rôle du stress d’origine psychologique dans l’apparition des céphalées de tension.

Dans notre pratique, nous avons rencontré divers cas de figure dont nous pouvons citer quelques uns.

Soit la céphalée de tension se déclenche après une période où l’individu a été soumis non pas à un seul choc mais à une accumulation de stress.

Soit il a vécu tout au long de son enfance, de son adolescence, ou même de sa vie adulte des relations très difficiles avec son entourage proche (on peut parler d’un stress permanent) et la céphalée de tension apparaît dans une circonstance qui le renvoie à cette situation sans qu’il la reconnaisse.

Soit il sait qu’il se trouve dans une situation inextricable (familiale, professionnelle ou autre) et la céphalée de tension s’installe et la douleur est telle qu’elle l’empêche encore plus de prendre les décisions qui seraient nécessaires pour en sortir.

Soit il a vécu un évènement très douloureux dans son enfance dont il n’a jamais pu faire le deuil et des années après, des circonstances lui font revivre les mêmes états d’âme et la céphalée de tension s’installe peu après.

Dans ces cas là, le traitement du syndrome de déshydratation par l’ORL doit donc être accompagné d’une prise en charge par le psychothérapeute qui va amener le patient à revenir sur son passé pour reconnaître les causes de son stress.

A cet objectif, le psychothérapeute ajoute un deuxième objectif : soutenir le moral du patient dans son traitement ORL. En effet, celui-ci demande un effort important puisque, au traitement très précis par médicaments qui s’attaque à chacune des zones concernées (nez, gorge, reflux oesophagien), s’ajoute l’obligation pour le malade de boire au moins deux litres d’eau par jour.

Pour en revenir à notre patient Hervé

Il a suivi avec minutie le traitement du Dr O., venant faire le point avec lui et avec moi de manière régulière. A chaque rendez-vous, le DR O. trouvait une amélioration de l’état de ses muqueuses et moi, à l’occasion de nos séances de soutien psychologique au traitement, je pouvais constater que ses maux de tête étaient en rémission. J’avais également adressé Hervé à un médecin de Rééducation Fonctionnelle car il se plaignait également de douleurs dans la région des cervicales, le cou et les épaules. Ce médecin lui a prescrit des séances de massages et de kinésithérapie. Ces séances, accompagnées d’un léger sédatif, l’ont aidé à se détendre.

De mon point de vue, ces tensions fortes dans la région des cervicales ne sont pas la cause des céphalées de tension mais elles en sont plutôt la conséquence.

C’est pourquoi massages, séances de kinésithérapie ou de relaxation sont les compléments bienvenus du traitement ORL et de la psychothérapie dans ce genre de céphalées de tension.Après sa guérison, Hervé qui avait bien compris que le stress avait joué un rôle certain dans la survenue et l’entretien de cette douleur chronique, a souhaité poursuivre sa psychothérapie afin d’aller plus en profondeur dans la compréhension de son stress avec comme but d’être moins sensible lorsque des situations de stress se présentent à lui. Souvent je lui demande « et vos maux de tête, vous n’en avez vraiment plus ? » et sa réponse est toujours la même « non je vous assure, je n’en ai plus ».

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Institut du mal de tête