Valérie J. habite dans les Hautes Alpes, elle a lu mon livre « Maux de tête chroniques Comment les soigner ». Elle souffre tellement qu’elle décide de traverser la France pour venir me consulter à Paris.
Lors de la prise de contact au téléphone, elle m’explique qu’elle souffre de maux de tête depuis dix ans, devenus chroniques depuis deux ans. Elle se plaint de maux de tête mais elle insiste pour me faire comprendre qu’elle souffre aussi de douleurs de la nuque provenant des cervicales.
Je lui recommande donc de prendre rendez-vous pour le même jour avec un médecin de rééducation fonctionnelle, avec qui j’ai l’habitude de travailler, de manière à compléter mon examen par une expertise médicale au niveau de la région cervicale.
Lors de la première consultation à l’Institut du mal de tête, Valérie présente plusieurs signes faisant penser à une migraine : elle évoque des vraies migraines accompagnées de vomissements. Elle souligne qu’après avoir vomi, elle va mieux et elle a faim.
Je lui fais raconter sa dernière crise de migraine : elle dit qu’en se réveillant « ça tapait » dans la tempe du côté droit et qu’en même temps elle avait mal dans la nuque, également du côté droit. La douleur est passée toute seule dans la matinée.
Je lui demande de me décrire les symptômes quand la crise est très forte. Elle me dit que ça lui fait très mal aux yeux, que c’est comme si quelqu’un essayait de lui arracher l’œil, qu’elle a la barre sur le front, un casque qui remonte au sommet de la tête, et toujours ce mal aux tempes.
Cette pathologie est fréquente et bénigne mais sporadiquement très handicapante dans la vie quotidienne.
Avant de venir me voir elle a fait un relevé très précis de ses douleurs durant plusieurs semaines parmi les quels on relève :
Mais ce sur quoi elle tient à insister et qui lui fait souvent très très mal, c’est cette douleur qui remonte des épaules jusqu’au milieu du crâne et qui ne me fait pas penser à des douleurs de migraine ! Ce genre de douleurs démarrent souvent le matin et s’estompent vers 17h00 peu après avoir pris un comprimé de Ibuprofène, pour revenir le lendemain matin.
Ma première hypothèse explicative de ses douleurs
J’explique à ma patiente qu’elle souffre probablement de migraines mais qu’il faut aussi explorer la zone cervicale et que la visite au Docteur JP sera sans doute très utile pour compléter le diagnostic.
Je lui remets un calendrier des douleurs à remplir chaque jour suivant une règle simple mais strictement définie qui va nous servir à objectiver ce qu’elle m’a raconté dans le désordre et qui nous servira de base pour comprendre le mécanisme de la douleur et l’effet de la prise des médicaments.
Je lui conseille de demander à son médecin de lui prescrire un médicament de la famille des triptans pour stopper la douleur de la crise de migraine en lui expliquant comment prendre ce médicament, car ce médicament ne sera efficace que s’il est pris au bon moment c’est-à-dire au tout début de la céphalée (mal de tête) de la migraine
Je lui donne un rendez-vous pour une prochaine consultation par téléphone avant laquelle elle devra m’envoyer son calendrier par fax
J’écris ceci au Docteur JP qu’elle va voir dans l’après midi : « cette patiente âgée de 35 ans présente de nombreux symptômes faisant penser à une migraine, mais les crises sont un peu atypiques et elle se plaint aussi de douleurs qui descendent dans la nuque, l’épaule, les omoplates, la colonne vertébrale. Ces douleurs me font plutôt penser à des douleurs de tension musculaire mais elles sont suffisamment invalidantes pour justifier un examen de votre part. Si mon intuition est bonne, je pense que votre diagnostic et vos explications devraient contribuer à la détendre par rapport à ses douleurs et donc à rompre le cercle vicieux de la douleur engendrée par les migraines »
Le docteur JP me répond ceci : « votre patiente travaille comme hôtesse d’accueil dans un bureau de renseignements. Son activité professionnelle l’oblige à bouger beaucoup et dans tous les sens, pour répondre au téléphone (celui-ci étant tenu entre l’épaule et la joue), répondre aux clients qui se présentent au bureau, distribuer des prospectus qui sont souvent placés trop haut ou trop bas pour elle.
L’examen clinique montre des limitations importantes de son rachis cervical, en particulier au niveau des inclinaisons du cou. Son rachis cervical est particulièrement sensible en extension et la palpation révèle des points douloureux diffus et symétriques à tous les étages.
La radio ne montre pas de signes d’arthrose, mais une rectitude impressionnante de son rachis cervical qui a perdu toute lordose (la courbure naturelle du rachis NDLR).
Dans ces conditions, je pense comme vous, que l’un de ses problèmes vient effectivement de son rachis cervical qui ne dispose plus des qualités mécaniques en particulier de mobilité, mais aussi de souplesse qu’il devrait encore conserver à son âge et d’autre part elle effectue son travail dans de mauvaises conditions.
Je lui ai donc recommandé des massages cervicaux pour détendre ses muscles suivis de séances de rééducation fonctionnelle de la zone cervicale (apprendre la bonne utilisation de son corps en évitant les mauvaises postures NDLR).
Je lui ai également prescrit un médicament myorelaxant (relaxant musculaire NDLR) qui je pense l’aidera à se décontracter quelque peu.
Valérie me rappelle 20 jours plus tard pour sa deuxième consultation par téléphone. Elle va beaucoup mieux.
Ses douleurs ont été moins importantes.
Au bout d’une semaine de prise de myorelaxant, elle s’est sentie moins tendue au niveau des cervicales. Elle s’est mise à la recherche d’un kinésithérapeute qui lui fait, dit-elle, «des massages cervicaux sédatifs et relaxants, très doux». Elle a eu plusieurs accès de crise de migraine mais qui n’ont duré qu’une seule journée, alors qu’auparavant ses crise de migraine relayées par les douleurs cervicales pouvaient durer jusqu’à 15 jours sans aucun répit.
Lors de sa troisième consultation à l’Institut du mal de tête, Valérie m’adresse un calendrier des douleurs très encourageant. On note des séries de trois à quatre jours sans aucune douleur, ce que j’appelle des journées à zéro douleur, et même une série de 6 jours sans douleur. Valérie se sent plus dynamique. Elle est partie en vacances et a rarement aussi bien profité de ses vacances, se sentant très très bien, elle a réussi à ne plus penser aux soucis de la vie quotidienne.
A la faveur de nos entretiens psychothérapiques, Valérie apprend certes à se soigner, mais aussi à mieux se connaître pour mieux gérer le stress qui, avec la migraine non maîtrisée, était en partie à la source de ses tensions musculaires. Tel est le premier bienfait de la psychothérapie que la détente psychologique entraîne la détente physique.
Marie-Paule Lagrange